Le covoiturage en partage

Interview : Olivier Demaegdt, Co-gérant et associé d'Ecolutis

«Il y a une vraie volonté de fournir un service de qualité et de savoir dépasser notre concurrence pour offrir un vrai service citoyen.»

Propos recueillis par Stéphane Gigandet. Interview publiée le 26/07/11 à 18h52.


Olivier Demaegdt et Régis Lippinois, associés d'Ecolutis
Olivier Demaegdt et Régis Lippinois, associés d'Ecolutis

Olivier Demaegdt publie depuis 2004 le blog Quotidien Durable sur lequel il partage des pistes pour améliorer le quotidien et le rendre plus responsable. Il a depuis trouvé un emploi en accord avec ses convictions en devenant co-gérant de la société Ecolutis qui propose des solutions de covoiturage aux entreprises et organisations. Ecolutis et 3 autres sociétés françaises de covoiturage viennent de créer un format ouvert de partage d'annonces pour développer la pratique du covoiturage. Les usagers de ces services partagent leur voiture, les entreprises se devaient bien de partager leurs données et de les rendre ouvertes !

Quelles sont les pratiques de co-voiturage les plus répandues ? Covoiture-t-on plus sur des trajets réguliers (emmener les enfants du quartier à l'école, aller au travail) ou de façon ponctuelle pour assister à un évènement ? Plutôt avec des personnes que l'on connait, ou des inconnus ?

Des heureux covoitureurs !
Des heureux covoitureurs !

Si on parle en nombre de dépôts d'annonce, alors le covoiturage longue distance est plus répandu, mais une annonce = un trajet. Si on parle en nombre de trajets et en kilomètres parcourus en covoiturage, alors c'est clairement le covoiturage régulier qui est en tête dans ce cas, une annonce = 200 jours * 2 = 400 trajets...

On covoiture avec des inconnus, qui ne le sont plus après la rencontre. Ainsi les covoitureurs réguliers deviennent souvent de bons amis.

Le co-voiturage est-il plus ancré dans les moeurs dans d'autres pays ? Pour quelles raisons ?

Un peu moins qu'en Allemagne, mais 100 fois plus qu'en Italie, en Espagne ou en Angleterre.
Les raisons sont multiples, la philosophie, l'importance de la voiture, la timidité etc... Mais ce qui a vraiment joué en France c'est l'existence d'un modèle économique B2B depuis plusieurs années, qui a permis aux entreprises de covoiturage de se développer et au concept d'être connu. L'obligation pour les entreprises et les collectivité de réaliser des Plan de Déplacements a bien entendu favoriser le développement des outils, de la communication et donc de la pratique.

Est-ce que la technologie (téléphones mobiles, Internet, GPS etc.) ont permis au co-voiturage de se développer ?

Internet, clairement oui. C'est même internet qui a permis l'essor de cette pratique qui existe depuis plus de 30 ans. Les téléphones mobiles rendent le service beaucoup plus accessible mais ne favorisent pas encore pleinement la pratique en tant que telle.

Le fait de co-voiturer ou pas ne dépend il pas surtout des mentalités (le rapport qu'on entretient avec sa voiture, et avec les autres : peur ou sociabilité) plus que des divers obstacles techniques ou logistiques ? N'y avait-il pas plus de co-voiturage dans les années 1970 quand le mot et tous les outils associés n'existaient pas et quand l'auto-stop était une pratique courante ?

Bien sûr, l'état d'esprit est important. Mais le porte-monnaie commence à vraiment jouer dans la décision aussi...

Quelles sont les motivations des personnes qui pratiquent le covoiturage ?

1 - l'économie
2 - la solidarité pour les conducteurs ou l'absence d'autres solutions de transport pour les passagers.
3 - l'environnement

En Californie, de nombreuses personnes choisissent de covoiturer pour pouvoir profiter de la voie réservée aux véhicules transportant plus de 2 personnes sur les autoroutes (à l'heure de pointe, les 3 voies de droites sont surchargées et la "carpool lane" la plus à gauche est quasi-vide). De tels dispositifs sont-ils à l'étude en France ? Comment l'Etat, les collectivités ou les entreprises peuvent-elles inciter au covoiturage ?

l'idée fait clairement son chemin : Les bus auront leur voie réservée sur l'A10 (Le Parisien, 11 juillet 2011) "Les taxis et les voitures en covoiturage pourraient aussi en profiter."

Les entreprises proposent des parkings réservés, des frais de déplacement plus élevés, des cadeaux, aux personnes qui pratiquent le covoiturage.

Les collectivités organisent des journées dédiées au covoiturage, elles favorisent l'accès aux parking relais pour les covoitureurs.

4 opérateurs de covoiturage (Covoiturage.com, Covivo, Ecolutis, RoulezMalin) se sont associés pour créer un format standard et ouvert de partage des annonces de covoiturage, RDEX (Ridesharing Data EXchange). De quoi s'agit-il concrètement ?

Un exemple d'annonce au format RDEX, en XML
Un exemple d'annonce au format RDEX, en XML

Il existe de nombreux sites de covoiturage en France. Dans le même temps, il s'agit d'un service d'intérêt public, il est donc dommage d'avoir autant de bases de données cloisonnées que de sites internet... Cela ne favorise pas la mise en relation. Depuis plusieurs années on réfléchissait à créer cette base commune. Seulement ce n'est pas simple. Qui en est responsable ? Comment garantir la sécurité des données ?

En créant Rdex, nous avons créé l'espéranto du covoiturage. Nous avons normalisé la manière dont se parlent les services de covoiturage. Toutes les annonces peuvent ainsi être diffusées sur tous les services possibles, sans aucun transfert de données personnelles sans l'autorisation de l'utilisateur.

Le langage est créé. Reste à le parler.

C'est surprenant de voir des sociétés à priori concurrentes travailler entre elles pour partager des données et qui plus est dans un format ouvert qui peut donc bénéficier à d'autres entreprises. Quelles sont vos motivations ? Est-ce une demande des clients de solutions de co-voiturage, ou s'agit-il de s'associer pour créer un marché ?

Il y a bien sûr un intérêt business. Plus la base de recherche est grande, plus les mises en relations sont importantes, plus les utilisateurs sont contents.

Il y a aussi une vraie volonté de fournir un service de qualité et de savoir dépasser notre concurrence pour offrir un vrai service citoyen. Je crois que le bon sens des dirigeants a été plus fort que leur crainte, et ça fait du bien. Ecolutis est probablement la société qui dispose du plus grand nombre d'annonces parmi les 4 précurseurs, on pourrait donc dire que c'est nous qui avions le plus à perdre. Nous avons néanmoins choisi de pousser cette idée, tout simplement parce qu'elle est belle, mais aussi parce que, qui sait, demain nous seront peut être l'entreprise avec le plus petit nombre d'annonces....

Nous avons aussi pensé Rdex, sans contrainte mutuelle. Il ne s'agit pas d'adhérer à une base commune, il s'agit simplement de parler la même langue pour favoriser les partenariats bilatéraux. Deux maitres mots : Liberté et Simplicité, ont guidé notre démarche.

Comme pour le covoiturage, la décision de partager ou non ses données n'est-elle pas surtout liée aux convictions des dirigeants ?

C'est évident.

Soyons honnêtes, si nous avions 90% du marché, nous serions peut être moins ouverts. Mais personne ne dispose de cette hégémonie à ce jour, c'était donc le bon moment pour le faire.

Ce partage de données nous permet aussi de ne plus jouer à celui qui a le plus gros kiki (le plus d'annonces), mais plutôt de replacer la concurrence sur la qualité du service.

Créer un format ouvert de partage des données, c'est très bien, mais les données elles mêmes seront-elles ouvertes ? Les annonces de covoiturage seront-elles disponibles gratuitement et réutilisables librement par des tiers, sans restrictions ?

C'est notre souhait. En fait, c'est déjà un peu le cas, grâce aux flux RSS sur nos sites. Mais Rdex va clairement apporter une dimension supplémentaire à cela.

Un rapport du Centre d'Etude sur les Réseaux, les Transports et l'Urbanisme (CERTU) sur le covoiturage listait 78 sites d'annonces de covoiturage dédiés aux grand public en Mars 2007, chacun avec leur propre base d'annonces. Où en est-on aujourd'hui, et surtout, les annonces sont elles maintenant mutualisées entre les opérateurs ?

En France, 5 bases de covoiturage couvrent 99% des services. Easycovoiturage.com édite par exemple une trentaine de sites internet pour le compte des collectivités (et autant pour les entreprises), tous partageant la même base de données. Rien n'a changé, ou plutôt si, Rdex est arrivé.... sans se presser....

Comment le format a-t-il été défini ? Avez vous utilisé les mêmes outils et méthodes de travail employées par d'autres standards ouverts ?

Nous sommes partis de notre métier, tout simplement. Nous avons souhaité ne pas nous perdre dans une analyse de plusieurs mois pour trouver le langage parfait. Il s'agit d'abord de faire simple. Nous sommes maintenant en rapport avec l'industrie du transport public pour faire coïncider nos modèles.

Comment de tels standards peuvent-ils être mis en place dans d'autres industries ? Quel retour d'expérience pouvez-vous apporter à d'autres entreprises désireuses de faire de même ?

S'il vous plait ! Faites que les agents immobiliers fassent pareil ! C'est quand même dingue que trouver sa maison de rêve dépendent de notre agent immobilier et non des maisons réellement en vente....

Merci beaucoup Olivier ! On ne peut qu'espérer que les acteurs du covoiturage soient de plus en plus nombreux à adopter le format RDEX et à partager leurs annonces de façon ouvertes.

Partager sur votre site ou blog

Qu'en pensez-vous ?

Stéphane Gigandet

Paris

Créateur d'Interesting Views.

http://interestingviews.fr

Se connecter

Connectez-vous sur Interesting Views pour créer et publier vos propres interviews et donner la parole aux personnes intéressantes que vous connaissez ou que vous souhaiteriez connaître !

Se connecter avec Facebook :

Allergique à Facebook ? Utilisez votre compte Interesting Views :

Nom d'utilisateur ou adresse e-mail :

Mot de passe


Pas encore inscrit(e) ? Créez votre compte.