Une archéologue partage son savoir fer

Interview : Nolwenn, Archéologue

«Une chose est importante pour un archéologue : la curiosité. Et on devient donc archéologue par curiosité et par persévérance...»

Propos recueillis par Stéphane Gigandet. Interview publiée le 17/11/11 à 13h59.


Les archéologues utilisent les arcs-en-ciel pour repérer les trésors enterrés. Sur la photo c'est Nolwenn qui revient avec sa pelle sur l'épaule.
Les archéologues utilisent les arcs-en-ciel pour repérer les trésors enterrés. Sur la photo c'est Nolwenn qui revient avec sa pelle sur l'épaule.

On a tous rêvé un jour de devenir archéologue, d'explorer les labyrinthes des pyramides, de découvrir des trésors cachés, de résoudre des énigmes et de dévoiler les mystères des civilisations disparues. Mais l'archéologie n'est pas qu'un sujet de rêve ou de cinéma, c'est aussi une passion et un métier ! C'est celui qu'a choisi Nolwenn qui s'est spécialisée en paléométallurgie. Chantiers, fouilles, laboratoire et expérimentation : Nolwenn nous présente le travail de l'archéologue moderne, et même si la réalité est différente du mythe, elle est tout aussi passionnante !

Quand on me parle d'archéologie, je pense à Indiana Jones ! Existe-t-il encore des archéologues aventuriers qui partent explorer des vestiges d'anciennes civilisations dans les coins les plus reculés de la planète ?

Heu... Je ne sais pas... Il y a des archéologues français qui partent travailler à l'étranger et notamment en Egypte, au Sultanat D'Oman, etc. Mais des "aventuriers" sans trousse de secours, non je ne crois pas ;-)

Et puis attention avec Indiana Jones et surtout Belloq, qui en fait ne s'intéresse qu'à l'objet et non pas à son contexte. En archéologie, si l'objet est important, son contexte l'est encore plus ! Sans son contexte, l'objet ne sert à rien...

Comment devient-on archéologue ? Combien y en a-t-il en France ? Est-ce un métier qui suscite beaucoup de vocations ? Peux tu nous présenter ton parcours ?

Je travaille à l'INRAP (établissement public, Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) et il y a moins de 2000 personnes à y travailler... Sachant qu'une partie n'est pas archéologue mais travaille pour l'administration de l'établissement.
Je ne saurais pas vraiment dire combien il y a d'archéologues en France mais je pense qu'il y en a moins de 3000.

Je crois bien que tout le monde a du vouloir un jour être archéologue... Donc oui il y a beaucoup de gens qui aimeraient être archéologue mais bien souvent les conseillers d'orientations disent que ce n'est pas un métier mais une passion... Et bien non c'est un métier ! Certes un métier passionnant mais un métier tout de même et lorsqu'on passe des journées en hiver sous la pluie et dans le froid et la boue, il faut mieux que ce soit un métier !!

Une chose est importante pour un archéologue : la curiosité. Et on devient donc archéologue par curiosité et par persévérance...

J'ai des collègues qui n'ont pas le bac et d'autres une thèse... Entre les deux, il y a celui qui à fait un IUT de mesures physiques et l'autre qui a un BTS d'électricien... Mais ils sont tous curieux...
Cependant il ne faut pas nier que de plus en plus le recrutement est de plus en plus difficile et que ceux qui ont des diplômes sont privilégiés. Je trouve ça d'ailleurs dommage...

Mon parcours est lui en fait assez classique.
J'ai tout d'abord fait un double deug histoire / archéologie à Paris puis une licence d'histoire et une licence d'archéologie toujours à Paris. Je suis ensuite allée à Rennes ou j'ai passé une maîtrise d'histoire et un D.E.A d'archéosciences. Et puis je suis entrée à l'INRAP.

Je n'ai pas fait toutes ces étapes en une fois. J'ai travaillé entre licence et la maîtrise et puis j'ai fait beaucoup de chantiers de fouilles bénévoles pendant mes études.

Et je vais m'inscrire en thèse à la rentrée 2011...

Le métier (passion) d'archéologue oblige à maîtriser assez bien de nombreuses disciplines, aussi est-il intéressant de savoir pourquoi les archéologues n'ont pas préféré être linguiste, historien, ethnologue, architecte, géographe, théologien, etc. Quel fut le déclencheur ? et ensuite, pourquoi, au sein de cette discipline, avoir choisi tel ou tel terrain/spécialité/époque/etc. ? (question de Leblase)

Le métier d'archéologue est bel et bien un métier. J'ai souvent entendu dire par des conseillers d'orientation qu'il ne fallait pas se lancer la dedans parce que c'était une passion. Et bien oui et surtout non. On peut vivre de ce métier. Et c'est un métier qui s'apprend. Il s'apprend à l'école mais aussi et surtout sur le terrain.
Il y a des archéologues qui sont linguistes, géographes, etc. (peut-être pas théologien...). J'en connais un qui a fait un I.U.T. mesures physiques et qui est maintenant responsable d'opération spécialisé dans l'Âge du Fer, une autre biologie qui travaille sur l'entomoarchéologie, etc.
En maîtrise puis D.E.A j'ai travaillé sur du mobilier métallique. Je suis arrivée à l'INRAP comme technicienne et petit à petit je me suis intégrée à des travaux sur les mobiliers. Et en 2003 j'ai eu la chance de travailler sur un atelier de travail du fer mérovingien. Depuis je ne fais plus que ça : de la paléométallurgie...
Tout peut se jouer au début des études mais c'est aussi au fur et à mesure des rencontres que se trouvent les spécialités. Et puis on peut aussi ne pas avoir de spécialités !!

En quoi consiste le travail de l'archéologue moderne ? Il ou elle participe à des fouilles, fait des recherches documentaires, publie, enseigne ?

Oui tout ça !
On fouille, puis on rentre au Centre Archéologique (la base) et on rédige un rapport qui est ensuite soumis aux services de l'état qui dit s'il est bien ou pas et si l'archéologue a répondu au cahier des charges réclamé par l'état.
Ensuite vient le travail de restitution au public : et pour ça il faut préparer des expositions, des articles, des communications...

Et pour mieux comprendre, tu fais de l'archéologie expérimentale. De quoi s'agit-il ? Est-ce aussi important pour valider ou invalider des théories ?

Expérimentation d'épuration et de compactage d'une loupe de fer pour récupérer des battitures
Expérimentation d'épuration et de compactage d'une loupe de fer pour récupérer des battitures

L'archéologie expérimentale permet de valider des hypothèses de travail. Nous ne trouvons en fouille quasiment que la fin d'un travail, d'une chaîne opératoire. Par exemple, on ne trouve que le couteau en fer mais comment a-t-il été fabriqué ? Et bien l'archéologie expérimentale essaye de retrouver les gestes qui ont précédé l'existence de ce couteau en fer.
Dernièrement, j'ai travaillé avec des forgerons et une équipe du CNRS sur la création de battitures. Les battitures sont des particules d'oxydes de fer qui tombent de la masse de métal que travaille le forgeron lorsque celui-ci lui tape dessus après l'avoir chauffé…
Lorsque nous fouillons des sites archéologiques, il arrive que nous trouvions ces éléments microscopiques sans pour autant arriver à les rattacher avec précision à un geste précis. Nous savons juste qu'ils proviennent d'une activité de forge mais s'agit de forge de fer plat, rond, torsadé ou de soudure… Cette semaine d'expérimentation archéologique avait donc pour but de réaliser des battitures qui sont des empreintes de l'objet travaillé !!
Nous savons donc précisément quel geste a créé chaque battiture. Nous allons ensuite réaliser des analyses sur ces battitures. Dans l'idéal elles devraient être toutes différentes ce qui ne sera sans doute pas le cas. Mais ensuite, nous aurons un référentiel de battitures modernes pour regarder les battitures archéologiques.

C'est très intéressant ce concept d'archéologie expérimentale. J'ai visité le chantier de Guédelon dans l'Yonne où une cinquantaine de personnes ont commencé il y a 15 ans la construction d'un château fort avec les ressources naturelles disponible sur place et les techniques médiévales ! Tu t'es donc essayée à la réduction du minerai de fer en construisant un bas-fourneau pour transformer du minerai en fer, et tu as ensuite joué aux apprentis-forgerons pour forger le métal et créer des objets ?

Ils bâtissent un chateau-fort à Guédelon ! Photo (c) <a href="http://www.guedelon.fr">Guédelon</a>.
Ils bâtissent un chateau-fort à Guédelon ! Photo (c) Guédelon.

Le travail sur Guédelon est passionnant et une très belle expérimentation grandeur nature !! Si vous avez l'occasion d'y passer, il ne faut surtout pas hésiter !

Pour comprendre de quoi je parle, lorsque je travaille sur le fer, il me fallait essayer, voir et sentir. Une fois que l'on a fait ça, on comprend mieux les chaines opératoires de ces activités.
La réduction du minerai de fer reste quelque chose d'un peu complexe mais la forge... C'est à la portée de tout le monde et là on comprend que si tout le monde ne pouvait pas forger une épée, tout le monde était capable de se faire son couteau.
Il y a 50 ans toutes les fermes disposaient d'une forge... Nos grands-parents savaient s'en servir en fonction de leur besoin immédiat !

Ta spécialité est la paléométallurgie. Si ma mémoire est bonne, il y a eu le paléolithique, le néolithique, puis la protohistoire et l'histoire pendant lesquelles apparaissent les métaux. L'étude de la fabrication des métaux permet-elle d'en apprendre beaucoup sur la façon dont les hommes vivaient pendant ces périodes de la protohistoire, puis pendant l'antiquité et le moyen âge ?

Oui et non.
L'étude de la fabrication des métaux permet de comprendre les savoirs faire et la façon dont les hommes organisaient le travail. Ces études permettent aussi de voir et de mieux comprendre certains réseaux d'échanges.
On peut aussi voir dans la hiérarchie des objets fabriqués ce qui prévalaient au début de la découverte d'un métal. Ainsi, les armes et les bijoux ostentatoires semblent être assez souvent les premiers concernés par l'utilisation d'un nouveau matériau.

Dans le film qui présente la paléométallurgie, tu indiques que le fer était surtout utilisé pour réaliser des clous et des outils agricoles. Les hommes passaient donc l'essentiel de leur temps à bâtir des maisons et à cultiver les champs plutôt qu'à se battre avec de grandes épées d'acier ? Quelle déception !

L'une des tapisseries de la série "La Dame à la Licorne", entre 1484 et 1500. Photo <a href="http://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_Lady_and_the_unicorn_Sight_det3.jpg">domaine public</a>
L'une des tapisseries de la série "La Dame à la Licorne", entre 1484 et 1500. Photo domaine public

Et oui c'étaient des mangeurs de fleurs !!

Le cuivre, l'argent et l'or existent à l'état natif dans la nature, mais je me suis toujours demandé où les premiers hommes avaient trouvé du fer. Ils partaient à la chasse aux météorites qui à l'époque devaient être plus faciles à trouver ? Ils avaient été attirés par l'éclat de la pyrite ? Ou ils ont essayé de faire fondre toutes les pierres qu'ils avaient sous la main jusqu'à ce qu'ils tombent sur l'ocre ? Quelles sortes de minerais utilisaient ils, et où le trouvaient ils ?

loupe de fer expérimentale
loupe de fer expérimentale

Les météorites n'étaient pas plus faciles à trouver que maintenant.
Ensuite comme pour toute genèse, nous ne savons pas qui est la poule et qui est l’œuf...
Ce que l'on sait, c'est qu'il faut atteindre des températures assez importantes pour produire du fer. Qu'avant de produire ce fer, on travaillait les cuivres. Les hommes savaient donc faire du feu et y mettre un minerai de cuivre pour en obtenir des alliages... Le processus était donc plus ou moins connu même si ce n'est pas le même et que les températures sont différentes.

Peut-être qu'à la place de mon projet de construction d'un trébuchet, je pourrais construire un bas fourneau dans mon jardin ! Cela représente beaucoup d'efforts ? Peut-être est-ce plus facile avec d'autres métaux que le fer ? (encore que je n'ai aucune envie de transformer ma collection de belles azurites bleues et malachites vertes en cuivre !)

Bas fourneau expérimental
Bas fourneau expérimental

Tout à fait !! Il y en avait un chez moi jusqu'à il y a peu mais il faut que je le refasse entièrement.
Un bas fourneau ce n'est pas bien compliqué à faire. En revanche, maîtriser la réduction du minerai de fer est plus compliqué. Dans un bas fourneau, tu ne fais que du fer !! Hors de question de passer un autre minerai !!
Je n'ai jamais essayé de transformer le minerai de cuivre mais j'ai tout de même l'impression que c'est plus compliqué...

L'archéologie a-t-elle beaucoup bénéficié des développements technologiques ? Les fouilles sont elles facilitées par des détecteurs de métaux plus puissants, des images satellites plus nettes ? L'analyse est-elle plus fine grâce à de meilleurs microscopes ou des techniques d'imagerie comme les scanners et les IRMs ? Ou les meilleurs outils de l'archéologue sont ils toujours une vieille brosse à dent et une grosse loupe ?

un outil de l'archéologue : la pelle mécanique
un outil de l'archéologue : la pelle mécanique

La recherche archéologique évolue en fonction des outils qui sont mis à notre disposition. Du coup on ne travaille plus aujourd'hui comme on travaillait il y a 20 ans et se sera vrai dans 20 ans aussi !

Les outils de l'archéologue, sur le terrain, vont du pinceau (et bientôt du proscope) à la pelle hydraulique de 25 tonnes... Puis au laboratoire, on utilise des microscopes, la radiographie, les analyse au carbone 14, l'archéomagnétisme, etc.

Et quelle place ont les nouvelles technologies de l'information dans la pratique de l'archéologie ? Les laboratoires d'archéologies partagent ils leurs données sur Internet avec d'autres chercheurs ?

Beaucoup d'informations circulent par le net et aussi par les réseaux intranets. Par exemple, j'ai accès à de nombreux rapports de fouilles de mes collègues sur le site de l'INRAP.
Il y a aussi de nombreux articles, textes, thèses, disponibles sur le net comme par exemple sur le site de revues.org ou persee.fr, HAL (hyperarticle en ligne) et TEL (thèse en ligne). Ce qui est intéressant sur ces sites c'est que l'on peut faire des recherches hypertextes, c'est à dire que chaque mot est codé. Il suffit donc de chercher un mot pour que tous les articles qui le mentionnent soient affichés.

Comment est financée la recherche archéologique ? Existe-t-il des liens avec l'industrie ? Wikipedia mentionne que les recherches sur la structure des vieux métaux pourrait aider l'industrie nucléaire pour résoudre le problème du stockage des déchets nucléaires.

Il y a deux type de financement, d'une part un financement public qui concerne les fouilles programmées et d'autre part un financement spécifique pour les fouilles préventives.
Ce financement spécifique comprend d'une part une taxe proportionnelle à la surface du projet d'aménagement due par l'aménageur. D'autre part, en cas de découverte nécessitant une fouille et si l'aménageur souhaite poursuivre son projet, l'étude du site est à sa charge.

Les liens entre archéologie et industrie sont assez ténus. Il est vrai que les matériaux anciens sont étudiés dans ces contextes. Mais ce qui intéresse dans ce cadre là c'est le processus de corrosion.

L'archéologie est-elle encore "possible" dans nos pays industrialisés, face aux impératifs économiques et parfois sociaux ? Comment réagir quand la construction d'une rocade qui permettra à des milliers de gens d'améliorer leur quotidien, ou celle d'une série de logement sociaux sont freinées par la découverte d'un site archéologique majeur, qui risque de reporter sine-die ces constructions indispensables ? (questions de Patrick Barrabé)

Bague en or d'Orval, cliché H. Paitier, INRAP
Bague en or d'Orval, cliché H. Paitier, INRAP

Si dans nos pays industrialisés l'archéologie n'était pas possible, elle ne serait possible nulle part non ?!

Et pour la découverte qui reporterait un chantier, et bien c'est faux, c'est une image d’Épinal...
La "contrainte archéologique" est toujours prise en compte en amont des chantiers. Bien souvent nous intervenons plusieurs années avant la construction de tel ou tel chantier. J'ai fini les chantiers de l'A88 en 2007 et celle-ci à ouvert en août 2010... Tout comme le risque écologique (présence de telles fleurs ou de tel biotope précis), l'archéologie est désormais et depuis longtemps maintenant pris en amont.

Ensuite il n'y a quasiment JAMAIS de découverte majeure comme une pyramide reposant sur sa pointe.... Et on ne retarde quasiment jamais un chantier pour une telle découverte !! Ou alors c'est pour médiatiser quelque chose. Sur un chantier en Normandie, on a trouvé une tombe à char (avec bague en or, de l'ambre, du corail, etc.). C'était la dernière semaine de chantier et la pelle mécanique de 50 tonnes qui servait à la construction de la route étaient dans notre dos.... Et bien on a travaillé le soir et nous n'avons pas eu de rallonge de temps.... Et le chantier s'est poursuivi et la route a été construite !

L'archéologie se pratique-t-elle également en amateur ? (chantiers de fouilles, stages d'archéologie expérimentales etc.) Suffit-il d'acheter un détecteur de métaux pour se transformer en chasseur de trésors ? Pour les professionnels, ces amateurs peuvent ils apporter des contributions, ou sont-ils plutôt des pillards qui font disparaître des importants indices de la façon dont vivaient nos ancêtres ?

Oui elles se pratiquent en amateur lors de fouilles que l'on appellent programmées.
Et non pour le détecteur de métaux puisque sont utilisation est interdite sur un site archéologique sauf autorisation du préfet via le Service Régional de l'Archéologie. La vente de cet outil est autorisée mais son utilisation n'est pas autorisée.
Le problème du détecteur de métaux c'est qu'ils ne détectent que les objets en métal sans prendre en compte le contexte... Ainsi une statuette en bronze, par exemple, trouvée par un détecteur sans que l'on connaisse son contexte, n'a absolument plus aucune valeur historique... C'est dommage. Le site est détruit par les trous des détectoristes puisque l'on perd des connections et les objets sortis de leur contexte, même s'ils peuvent avoir une valeur marchande pour une personne, perdent de leur intérêt pour la reconstitution de l'histoire de tous...

Comme pour toutes les activités de "recensement", d' "archivage", de "compilation" je me pose toujours les mêmes questions. Etant donné qu'on ne peut pas tout garder, tout documenter, comment fait-on le tri ? Qui, quand, comment, pourquoi décide-t-on de garder ci et de bazarder ça ? Est-ce qu'il arrive qu'on s'aperçoive a posteriori que le truc moche qu'on avait décidé d'abandonner aux bulldozers du centre commercial était en fait un truc unique qu'on a peu de chance de retrouver ailleurs ? Quels sont les problèmes spécifiques à ces questions-là que rencontrent l'archéologie ? Une anecdote ? (question de Jo Kesskonfai)

Scorie de réduction
Scorie de réduction

Oui on jette parfois et ensuite on regrette mais on ramasse de plus en plus... En fait le ramassage du mobilier est fonction de nos connaissances, de l'évolution des projets de recherches et des questions que l'on se pose. Par exemple, il y a 10 ans, on ne ramassait presque pas les scories (les déchets métallurgiques). Mais aujourd'hui on les ramasse quasiment systématiquement parce que nos questions sur les activités artisanales ont évolué.
Normalement, nous ramassons donc tous et ensuite, c'est l'état qui décide de conserver ou pas. Une fois que nous avons étudié le matériel, nous le remettons au service de l'état qui le stocke dans des dépôts de fouille. Il y a de tout dans ces dépôts et même des choses étranges...
Sur un chantier, j'ai ramassé un sac de feuilles de chênes vieilles de 2000 ans... Et bien il doit être stocké quelque part !!!
Il y a aussi le matériel de guerre... Et oui lorsque nous fouillons, nous découvrons aussi les restes de la Ier et de la IIème guerre mondiale. Nous ne les prenons pas. Nous indiquons leur présence mais la plupart du temps, nous ne les gardons pas et nous ne les ramenons même pas au centre archéologique. Non pas parce que c'est récent mais parce que ça peut être dangereux.

J'ai l'impression que l'archéologue travail en "creux". Ce qu'on trouve sur une fouille représente le plus souvent des fragments (d'objets, de gens…) : comment se fait la reconstruction d'après ces fragments ? Et comment être sur qu'on interprète correctement le fragment sans sa totalité ? Comment être certain que dans un musée, un casse noisettes du néolithique ne devienne pas une statuette à la signification mystérieuse ? (question d'Alexandre Delcourt)

Et bien justement nous ne sommes jamais certains et nous ne sommes jamais à l'abri d'une erreur...
Lorsque nous travaillons sur des objets nous précisons toujours si l'objet est complet ou archéologiquement complet et nous essayons de travailler sur les formes les plus complètes possibles.
Maintenant dire que tel objet est une statuette reste facile dire ensuite que c'est cultuel ou décoratif est une autre partie du travail et là on passe à l'interprétation de l'objet et non plus à sa description.

Sur ce thème, je conseille vivement l'exposition "Futur antérieur" et le livre de David MacAulay, La civilisation perdue : naissance de l'archéologie au Deux Coqs d'Or pour l'édition originale et l’École des Loisirs pour la nouvelle édition mais en petit format...

Merci beaucoup pour cette interview passionnante Nolwenn ! J'espère qu'elle suscitera des vocations parmi nos lecteurs les plus jeunes, et pourquoi pas les moins jeunes !

Partager sur votre site ou blog

Qu'en pensez-vous ?

Stéphane Gigandet

Paris

Créateur d'Interesting Views.

http://interestingviews.fr

Se connecter

Connectez-vous sur Interesting Views pour créer et publier vos propres interviews et donner la parole aux personnes intéressantes que vous connaissez ou que vous souhaiteriez connaître !

Se connecter avec Facebook :

Allergique à Facebook ? Utilisez votre compte Interesting Views :

Nom d'utilisateur ou adresse e-mail :

Mot de passe


Pas encore inscrit(e) ? Créez votre compte.