Voyage au Pays des Komis et des Lettres
Interview : Sébastien Cagnoli, Ecrivain, traducteur, et spécialiste de la littérature komie
«La langue n’est qu’un habit que l’âme revêt à un moment donné, dans un lieu donné. Quand je traduis, je déshabille le texte pour trouver ce qui se cache derrière les mots. Et une fois que je l’ai trouvé, je le rhabille avec des mots français et je le lâche dans la nature.»
Propos recueillis par Stéphane Gigandet. Interview publiée le 19/09/11 à 17h29.
Peu de personnes connaissent le Pays des Komis, une république autonome de Russie grande comme les trois quarts de la France. Moins encore ont la curiosité de visiter le pays et ses forêts vierges boréales. Et parmi les rares personnes qui se lancent dans l'apprentissage de la langue komie, Sébastien Cagnoli est probablement la seule qui ensuite traduit la littérature komie en français.
Dans cette interview, Sébastien nous emmène avec lui à la découverte du Pays Komi, de son peuple, de sa langue et de sa littérature. Dans l'avion du retour, il nous parle de sa passion pour la traduction. Car ce n'est pas seulement nous que Sébastien fait voyager : il ramène dans la soute un bagage littéraire qu'il entend bien partager !
Peux-tu nous présenter le Pays Komi ? Je ne le connais que de nom parce que je collectionne des timbres, et les timbres de la république komie sont malheureusement tous faux, la fédération de Russie n'autorisant pas ses républiques à en émettre.
Eh bien, comme on peut le voir sur ces faux timbres, c’est un pays de forêts, d’ours, de champignons… En fait il existe aussi quelques vrais timbres émis par la poste fédérale, qui représentent la république ou ses sites célèbres, dans des séries consacrées aux différentes régions de Russie (il y a aussi quelques pièces de dix roubles dans le même genre).
Pour des raisons historiques, la Russie est divisée depuis 1918 d’une façon complexe qui laisse une certaine autonomie à quelques régions définies sur des critères ethniques, tandis que d’autres régions sont directement rattachées au pouvoir central. Aujourd’hui, l’État komi, proclamé en 1921 sur un territoire qui ressemble très approximativement à celui où vivaient alors la plupart des Komis de Russie, est donc l’une des 21 républiques de la fédération (parmi 83 entités aux statuts divers et variés).
Les lois fédérales y sont bien sûr applicables, mais elles sont complétées ou aménagées par une constitution et des lois propres, compte tenu des spécificités de la population et du territoire (l’autonomie concerne potentiellement tous les domaines sauf ceux des affaires étrangères et de la défense, qui restent du ressort de Moscou).
Le territoire est situé à l’extrémité orientale de l’Europe, et il est séparé de la Sibérie par la chaîne de l’Oural. C’est une région de taïga et de marais, qui déborde un petit peu sur la toundra au-delà du cercle polaire.
C’est une des régions les plus riches de Russie, en particulier grâce à ses ressources minérales (houille, hydrocarbures…), qui lui ont valu d’ailleurs d’héberger les plus grands camps de travaux forcés d’Europe à l’époque du Goulag.
Aujourd’hui, quand on parle un peu du pays komi hors de ses frontières, c’est généralement pour son pétrole, ou pour ses forêts vierges boréales qui figurent sur les listes de sites naturels du patrimoine mondial de l’Unesco (on trouve même dans un roman de Marc Levy un chapitre qui se déroule sur le plateau du Man-Poupou-Nior, impressionnante formation rocheuse élue récemment au nombre des « 7 merveilles de Russie » !).
Comment en es-tu venu à t'intéresser au pays des Komis ?
Toutes les régions du monde que je ne connais pas m’intéressent, a priori… Autant dire qu’il y en a beaucoup… Alors je les explore de proche en proche, au gré des occasions qui se présentent. En étudiant l’histoire de la Finlande, je me suis forcément familiarisé avec tout un pan de l’histoire russe, et j’ai entendu de parler de ces mystérieuses régions qu’on ne prend pas la peine, en général, de représenter sur les cartes, parce que la Russie reste comme une énorme « boîte noire », vue de l’extérieur… Quelques voyages en train ont continué de titiller ma curiosité, d’abord autour du golfe de Finlande en 2004, puis de Moscou à Pékin en 2006 : j’y ai découvert une Russie multiple et très différente de tous les préjugés qu’on avait pu m’inculquer. On a beaucoup de mal à se faire une idée de la Russie, en France. Les rares mentions qui en sont faites dans l’actualité s’avèrent assez saugrenues quand on s’amuse à les comparer à la réalité (on peut d’ailleurs suivre à la trace les boulettes des journalistes en remontant le fil de leurs copier-coller, souvent de la presse anglophone, qui cite elle-même tant bien que mal des dépêches russes), et les personnes qui en parlent le plus sont souvent celles qui n’y ont jamais mis les pieds si ce n’est peut-être dans les années 1970.
Pourquoi, après avoir attaqué les langues finno-ougriennes par le Finnois, être passé au komi ?
Le finnois ouvre les portes des quelques langues fenniques, dont elle est la plus parlée. En revanche, les autres langues finno-ougriennes ont une parenté plus lointaine. Au-delà de l’alphabet cyrillique, qui n’est finalement qu’un détail, leur structure est plus exotique (le finnois a été sensiblement influencé par le contact avec le suédois).
Mon choix a sans doute été infléchi aussi par le fait que j’aie mis la main un peu par hasard sur un dictionnaire komi-russe à une époque où ce genre d’outil était encore rare, sur Internet, pour ces langues-là. À vrai dire, le reste, ça se fait tout seul, sans que je sache très bien pourquoi…
Comment peut-on apprendre une langue telle que la langue komie ? J'imagine qu'il n'y a pas méthode Assimil ou de manuel "Je parle le Komi en 40 leçons" ? Le Komi est-il enseigné à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) ?
Le challenge lui-même est assez motivant, en fait. Il existe aujourd’hui un Parlons komi, qui n’était pas encore paru quand j’ai commencé. Le fait de connaître déjà le finnois m’a permis d’aborder la grammaire komie sans être complètement perdu (en revanche, avec le finnois, j’avais eu besoin de sérieux coups de main pour me mettre sur les rails !). Du coup, j’ai pu me débrouiller avec des ébauches de grammaire glanées sur le web, pour récupérer par exemple les tableaux de déclinaison, qui sont parfaitement réguliers et tiennent sur une page (contrairement à ce qu’on rencontre dans des langues indo-européennes comme le russe, avec des genres, des types de déclinaisons et des exceptions à n’en plus finir).
À l’Inalco, on enseigne le finnois, l’estonien et le hongrois, ainsi que des notions générales des autres langues et cultures finno-ougriennes. Il y a déjà eu un séminaire d’oudmourte, par exemple (une langue assez proche du komi). Et les centres de recherche de l’Inalco ont pu encadrer mon master 2 sur le théâtre komi. Mais il n’y a pas d’enseignement formel, non, parce que l’Inalco forme des cadres pour les affaires étrangères, et que dans les affaires étrangères, les Finlandais parlent finnois et les Komis parlent russe…
As-tu pu trouver des locuteurs de la langue komie en France ?
Oui ! J’ai rencontré une Komie en Bretagne, notamment. Il y a quelques personnes en France qui sont originaires du pays komi, mais toutes ne parlent pas nécessairement le komi. Et comme la France ne fait pas de distinction entre citoyenneté et nationalité (comme c’est le cas en Russie), les citoyens de Russie, chez nous, sont généralement considérés comme des « Russes », qu’ils soient de nationalité russe, komie, tatare ou autre. Mais je rencontre surtout mes interlocuteurs komis dans leur pays, ou dans des congrès internationaux.
Quelles sont les croyances du peuple Komi ? Retrouve-t-on aujourd'hui des réminiscences de leur mythologie ? Parle-t-on aux enfants de la sorcière Yoma-Baba ? Le chamanisme est-il encore présent ?
Il faut bien comprendre que les Komis, depuis le XIVe siècle, sont majoritairement chrétiens. Cela dit, les croyances antérieures, qui étaient de nature animiste, ont laissé des traces, bien sûr, comme dans toute la Russie, sous la forme de légendes ou de superstitions.
Ioma est connue, oui, et pas seulement des enfants. Les légendes populaires, comme nos bons vieux contes, ne sont pas destinés aux enfants, en principe, mais à tout le monde. Les légendes sont transmises d’une part en tant que patrimoine (à l’école, dans les musées…), d’autre part par le bouche-à-oreille. Dans les villages, j’entends même de nouvelles légendes qui continuent de prendre forme, autour de personnes qui auraient accompli récemment des actes extraordinaires : ces histoires peuvent très bien s’amplifier et, après quelques générations, devenir des épopées ahurissantes.
En ce qui concerne le chamanisme, on n’a pas de preuve formelle qu’il ait jamais existé chez les Komis (même si on en a une forte présomption). Il faut dire qu’on a du mal à savoir précisément à quoi ressemblait la société komie avant la christianisation, vu qu’il n’y a pas de traces écrites antérieures. Au début du XXe siècle, il restait quelques pratiques de sorcellerie, qui sont probablement des vestiges d’un ancien chamanisme, mais réduit à quelque chose de plus concret, qui serait plutôt à cheval entre la médecine et la psychologie.
Une question de malikele qui est passeuse d'âmes : as-tu le sentiment d'avoir été un membre de la communautée komie dans une vie antérieure ? Penses-tu que tu puisses être une sorte de komi voyageur égaré ?
Oui, bien vu, n’oublions pas de mentionner le fameux Komi voyageur ! C’est bien possible. Je n’ai pas le sentiment que mon âme soit particulièrement attachée à tel ou tel bout de terre. En tout cas, je me sens des affinités spirituelles avec tous les humains du monde et de tous les temps… Donc une âme errante, si tu veux… mais dans le sens le plus positif. Une âme libre, quoi.
Un traducteur est-il aussi en quelque sorte un passeur d'âmes lui aussi ? Qu'est ce qui te plait dans la traduction ?
Bien vu. C’est une belle image. Un passeur d’âmes, dans la mesure où la langue n’est qu’un habit que l’âme revêt à un moment donné, dans un lieu donné. Quand je traduis, je déshabille le texte pour trouver ce qui se cache derrière les mots. Et une fois que je l’ai trouvé, je le rhabille avec des mots français et je le lâche dans la nature. Et c’est exactement ce qui me plaît, dans cette activité : sa nature un peu alchimique.
Quelles sont les oeuvres majeures de la littérature komie ? Certaines sont elles déjà traduites dans des langues occidentales ?
Les premières œuvres majeures sont celles du patrimoine oral, qui ont été partiellement transcrites au cours des deux derniers siècles (chansons, poèmes, contes).
Comme c’est le cas un peu partout dans le monde, il y a un premier « poète national » retenu par la postérité : il s’agit d’Ivan Kouratov (1839-1875). Considéré comme un précurseur (quoique totalement inconnu de son vivant en tant que poète), il a eu une vie plutôt discrète. Son désir de défendre la langue komie (face au russe), donc le peuple (face à l’autorité tsariste) ont fait de lui un héros national qui a pu être récupéré ensuite, selon les époques, aussi bien par l’idéologie révolutionnaire que par les mouvements nationalistes. Callistrate Jakov (1866-1926) [convertis sur le tard au christianisme orthodoxe, les Komis sont restés friands de vieux prénoms grecs un peu farfelus !] a composé en 1916 une « épopée nationale » sur le modèle du Kalevala finnois, intitulée Biarmia… mais en langue russe. Victor Savine (1888-1943) a laissé de nombreuses œuvres dans tous les genres, notamment une chanson qui est aujourd’hui l’hymne de la république. L’époque soviétique a produit des œuvres historiques qui décrivent notamment la vie des Komis à la veille de la Révolution et le déroulement de la guerre civile komie, ou qui instancient le réalisme socialiste dans l’environnement local (exploitation du bois, du pétrole, élevage des rennes…).
Mais surtout, à toutes les époques, la poésie reste un moyen d’expression très important. Albert Vaneïev (1933-2001) a démontré que le komi n’avait rien à envier aux langues occidentales en composant de nombreux sonnets, et en allant même jusqu’à traduire ceux de Shakespeare.
Dans les langues occidentales, il n’y a pas encore grand-chose. Les textes populaires recueillis par les linguistes ont fait l’objet de quelques publications bilingues, notamment en allemand (mais à des fins philologiques plutôt que littéraires). Quelques poèmes et chansons ont été traduits dans quelques langues et publiés en recueils. Certains romans circulent dans le périmètre finno-ougrien. C’est peut-être allé jusqu’à la Suède, pour certains livres pour enfants… Mais parmi les langues « occidentales », c’est à peu près tout ce que je vois. C’est que l’intérieur de la Russie était quasiment inaccessible aux occidentaux. Depuis vingt ans, on commence à peine à découvrir ce que contient la Russie… C’est encore très mystérieux, et il faudra beaucoup de temps pour explorer tout cela et le faire connaître !
Existe-t-il encore une littérature komie contemporaine ?
Bien sûr. En fait, la littérature komie s’écrit dans deux langues : en komi et en russe (les deux langues officielles de la république). Curieusement (mais quand on y réfléchit, ce n’est pas si curieux), la langue komie est très majoritaire dans la littérature, tandis qu’elle est très minoritaire dans la société (sauf dans certains villages). Aujourd’hui, comme chez nous, tout ce qui n’est pas « rentable » a de plus en plus de mal à trouver des financements, et la littérature komie est donc assez discrète. Mais il y a tout de même pas mal de publications : deux revues mensuelles (une en komi, une bilingue), des romans, du théâtre, beaucoup de poésie…
Quels arguments mets tu en avant pour convaincre les éditeurs de publier des traductions d'oeuvres komie ? Certaines oeuvres ont-elles un potentiel commercial significatif, ou la plupart sont destinées à un petit nombre de lecteurs ?
À ce jour, on ne peut pas dire que j’aie vraiment convaincu des éditeurs… Pour le volume de poésie épique publié par l’Adéfo (Kört Aïka et autres légendes komies), l’argument était simple : c’est une adaptation littéraire d’épopées traditionnelles, un classique. Une telle publication bilingue présente un intérêt philologique pour les gens qui se penchent sur les langues finno-ougriennes, en plus du contenu même des légendes.
A quoi ressemble le processus de traduction ? T'aides tu parfois de traductions en d'autres langues (du komi vers le russe ou l'anglais, puis ensuite vers le français) ? Comment la traduction est-elle validée ?
Les traductions du komi vers le russe sont généralement très libres, à tel point que je peux difficilement m’en servir pour résoudre mes problèmes. En plus, si je me débrouille plus ou moins avec le russe, ce n’est pas non plus une langue que je maîtrise assez pour qu’elle me rende service dans ce genre de situation…
Cela dit, s’il existe des versions russes, finnoises, estoniennes, anglaises… oui, pourquoi pas, il est toujours utile d’en prendre connaissance. Je peux y trouver des mises en garde, et des idées, bonnes ou mauvaises. Je demande conseil à des amis ou collègues, aussi, bien sûr, notamment les gens de la fac de lettres à l’université de Syktyvkar.
Quant à la validation… C’est à moi de voir à quel moment j’ai le sentiment d’avoir écrit un texte français qui me satisfait. Et les lecteurs discutent ou me confirment que ce texte – toujours en tant que texte français – leur convient. Dans certains cas, on peut faire appel à un expert pour comparer la traduction au texte original sur la base d’un extrait. C’est le cas pour le finnois ; mais pour le komi, bien sûr, ce n’est pas évident de trouver quelqu’un…
La traduction est-elle un exercice majoritairement solitaire ?
Pas forcément. Bon, je dois dire que le travail solitaire me convient assez bien, en général. Mais je travaille en étroite collaboration avec les éditeurs et les auteurs, je demande des conseils autour de moi, etc.
Pour la littérature finlandaise, la Finlande a créé un forum qui permet aux traducteurs du monde entier de se connaître, de rester en contact, et de partager leurs questions, problèmes et solutions.
Qu'est ce qu'Internet et les nouvelles technologies ont changé pour les amateurs de langues rares ou méconnues et pour les traducteurs ?
Sans Internet, je n’exercerais certainement pas ce métier. En d’autres termes, je présume qu’Internet a tout changé. En particulier pour les langues de Russie : il y a une vingtaine d’années, les seuls matériaux pour étudier ces langues en France étaient des fragments récoltés par des linguistes (hongrois ou finlandais) avant l’époque soviétique (ou, au mieux, auprès de prisonniers de guerre au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, non seulement les voyages sont possibles, mais on a accès de chez soi à une multitude de documents vivants, d’articles d’actualité, de blogs, de forums… En fait, ces langues dites rares ou en voie d’extinction, Internet leur rend leur vitalité. Dans la famille finno-ougrienne, les Maris, en particulier, sont très présents sur Internet, et ils développent des outils pour favoriser les échanges et l’usage des langues. Ces langues a priori minoritaires deviennent un moyen de communication international, ce qui est un effet des nouvelles technologies un peu inattendu. On peut discuter en komi sur Facebook (ou sur son équivalent russe Vkontatkte) avec des Komis, des Américains ou des Hongrois, par exemple.
Que penses tu de la traduction collaborative ou co-traduction ? J'en ai vu un exemple avec la traduction de L'Effet Whuffie de Tara Hunt par 4 personnes qui se sont aidées d'un wiki pour traduire le livre. Connais-tu d'autres exemples ? Existe-t-il des efforts organisés de particuliers pour traduire des oeuvres littéraires et les diffuser dans d'autres langues (par exemple les oeuvres du domaine public disponibles sur le Projet Gutemberg) ? Ou la traduction reste-t-elle un domaine de professionnels ?
Je n’ai pas d’avis particulier sur les projets collaboratifs de traduction, je ne m’étais pas vraiment posé la question. Ça me semble une piste intéressante. Difficile, forcément… Parce que si l’auteur du texte original a fait la totalité du travail tout seul, il sera difficile de faire quelque chose d’aussi cohérent à plusieurs. À moins de fournir ensuite un gros effort d’harmonisation.
Je ne peux pas m’empêcher de penser aussi à l’exploitation commerciale, ensuite, qui va exiger de l’équipe de traducteurs une bonne organisation
Il me semble que la traduction collaborative devrait bien fonctionner – et même être préconisée – dans le cas où le texte original est le fruit d’une collaboration. C’est le cas des gigantesques projets de traduction de la Bible (qui est elle-même, fondamentalement, un vaste projet collaboratif).
J’ai aperçu de tels projets organisés pour la traduction de fanfics, sur le web. Mais là aussi, on est dans une forme de création populaire, intrinsèquement collaborative, plus ou moins anonyme, qui sera sans doute servie au mieux par une traduction collaborative et plus ou moins anonyme.
Les Komis, de leur côté, se livrent aussi à des expériences intéressantes : sur Internet, on trouve par exemple des vidéos d’amateurs qui ont doublé en komi des dessins animés russes, ou des scènes de _Harry Potter_.
Quant à la notion de « professionnels », je ne crois pas qu’il faille s’en soucier : professionnel, on le devient par l’expérience. C’est un peu comme ça dans tous les métiers, non ? Mais surtout pour la traduction littéraire, un domaine pour lequel il n’existe pas de formation à proprement parler. Il existe des formations pour l’interprétariat, pour la traduction technique ou administrative, etc. Mais la traduction littéraire touche aussi au domaine de l’écriture, et c’est quelque chose d’un peu insaisissable, une question d’intuition et de sensibilité.
Traduis-tu autre chose que de la littérature ? Arrives-tu à vivre de ta plume et des oeuvres que tu traduis ?
Je ne traduis que de la littérature : d’abord de la poésie, puis du théâtre, et enfin de la prose. Seuls les romans, en fait, sont une véritable source de revenus, et ils constituent maintenant ma seule activité professionnelle. Pour quelques années, sans doute…
Ecris-tu dans d'autres langues que le français ?
Non. À ce jour, le français est la seule langue dans laquelle je sois suffisamment à l’aise pour écrire. Mais j’aimerais m’essayer à écrire en komi, oui… entre autres. J’ai quelques idées.
Sur quoi travailles-tu en ce moment et quels sont tes prochains projets ?
Les romans finlandais m’occupent en priorité. J’en traduis deux, actuellement, qui devraient paraître en 2012. Il y a une réelle demande, en France, de la part des éditeurs. Du côté du komi, j’ai sous le coude une thèse de doctorat, qui devrait me permettre de mieux connaître la littérature (le théâtre, en particulier) et de partager ces connaissances.
Voilà pour les projets concrets. Évidemment, j'ai aussi beaucoup d'idées... dont certaines aboutiront peut-être !
Merci beaucoup pour ce très beau voyage en Pays Komi !
Si vous avez envie de continuer à suivre Sébastien dans ses autres voyages, vous pouvez visiter son site personnel parmakoma, et pourquoi pas l'encourager en achetant l'un des livres qu'il a écrit ou traduit : livres par Sébastien Cagnoli, sur Amazon et chez Serre Editeur.
Qui sait, peut-être que dans quelques années, aux côtés de Facebook et Wikipedia, Interesting Views permettra aussi l'échange de points de vue en langues komie et marie !